DISCOURS DE MONTILLY-SUR-NOIREAU par Gaspard Koenig
Chers amis,
Il est temps de prendre la liberté au sérieux. Depuis deux ans, je sillonne le pays. D’abord seul, à pied et à cheval, en logeant chez l’habitant. Puis avec les équipes de SIMPLE, à la rencontre des Français. Dans les campagnes, les centre-villes et les banlieues, j’ai trouvé une France accueillante, fraternelle, débrouillarde, à mille lieux des fantasmes anxiogènes qui font le buzz. Une France en pleine transformation, qui discute à bâtons rompus de la protection de l’environnement, du sens du travail, des cultures locales. Une France qui fait sa mue en abandonnant peu à peu le productivisme du XXe siècle, dont certains feignent d’être nostalgiques. Une France moderne. Mais cette France est enfermée dans une prison bureaucratique. Nos vies sont sur réglementées, sur administrées, sur contrôlées. L’interdit est désormais la règle, la liberté l’exception. Même nos petits bonheurs sont assombris par les acronymes, DREAL, PLUI, CODAF, CAF, ABF, ANTS, APL, DDTM, CESU et autres Cerfas. Nous sommes devenus les comptables de nous-mêmes. Nous passons notre temps à remplir des formulaires qui ne nous correspondent pas, à cocher des cases dans lesquelles nous ne rentrons pas, à subir des règlements que nous ne comprenons pas. La bureaucratisation, issue de l’administration comme des grandes entreprises, produit de l’injustice sociale à grande échelle. Car une norme trop détaillée favorise les initiés et écrase ceux qui se trouvent les plus éloignés des réseaux d’information et des centres de pouvoir. Elle encourage la concentration économique et l’arbitraire politique. Les premières victimes sont ceux qui triment, ceux qui créent, ceux qui vivent. Combien ai-je rencontré sur ma route de citoyens perdus dans le labyrinthe des sigles et des mots de passe, qui s’arrachent les cheveux, qui abandonnent, qui décrochent ? La crise sanitaire montre au grand jour la folie technocratique. On a multiplié les conditions, les attestations, les injonctions, provoquant des situations absurdes, risibles, parfois dramatiques. On a créé de la paperasse pour éliminer un virus. Résultat de cette multiplication vertigineuse des normes, les honnêtes gens ont peur de l’autorité publique et se méfient des institutions. C’est la mort programmée de l’Etat de droit. Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce que l’Etat ne fait pas confiance au citoyen. Et le citoyen le lui rend bien. Comment ne pas sympathiser avec les bonnets rouges, les gilets jaunes, les révoltés de toutes les couleurs, qui envoient au pouvoir central un puissant message : « laissez-nous vivre » ! * Nous sommes arrivés au bout de ce modèle vertical, autoritaire, paternaliste. Pourtant, l’ensemble des formations politiques continuent inlassablement à proposer des plans de ceci, des stratégies de cela, des grandes idées brumeuses venues d’en haut qui sont condamnées à échouer dans le marécage du réel. Je vous propose tout l’inverse : une société de la confiance. Une société d’adultes. Une société où chacun maîtrise son destin et prend les décisions qui le concernent. Telle est la condition du vivre-ensemble. Car la haine qui affleure aujourd’hui, entre communautés, entre religions, entre voisins, entre twittos, n’est que le symptôme d’une défiance généralisée. C’est cette défiance qui érige les barrières, les interdits, et ces myriades de statuts dont la France a le secret. Pour apaiser les tensions, pour retrouver l’égalité sans laquelle il n’y a pas de fraternité possible, pour remettre en route l’ascenseur social, il faut commencer par donner à chacun une part de responsabilité, pour lui-même et pour les autres. Il suffirait de remettre l’Etat à la place qui lui avait été attribuée en 1789 et qui n’aurait jamais dû cesser d’être la sienne : protéger sans contraindre, émanciper sans sermonner. Garantir au citoyen les moyens de son autonomie. Ne pas le materner, mais lui donner les outils pour se prendre en main. Emanciper l’individu, voilà un projet de société ambitieux. Que chaque personne, chaque association, chaque collectivité, chaque entreprise, puisse définir ses valeurs, ses projets, sa raison d’être, et assumer ses choix. La simplification, serpent de mer des programmes politiques, ne doit pas consister en un énième « comité de la hache ». Elle doit représenter une priorité politique absolue, une matrice puissante pour refondre notre modèle. Simplifier, c’est libérer la création d’activité en donnant de l’air aux artisans, aux petits entrepreneurs, aux commerçants, aux agriculteurs, aux apprentis, aux artistes, aux bricoleurs. Simplifier, c’est faire vivre la solidarité en facilitant l’engagement associatif. Simplifier, c’est améliorer la sécurité, en libérant les policiers de la charge administrative et de la politique du chiffre. Simplifier, c’est permettre aux entreprises de faire leurs propres choix d’investissement et de prendre leurs propres risques, en supprimant autant de subventions que d’impôts. Simplifier, c’est désengorger les tribunaux en clarifiant le droit et en privilégiant toujours la médiation. Simplifier, c’est recentrer les soignants sur la seule mission qui compte : le soin, à l’heure où ils dénoncent eux-mêmes le « blabla » à l’hôpital. Simplifier, c’est libérer le salarié d’une subordination bête et méchante en lui permettant d’organiser son travail à sa manière, et c’est empêcher les chefs de se défausser sur les procédures. Simplifier, c’est accorder une plus grande autonomie aux enseignants et aux chefs d’établissement, aujourd’hui découragés par les protocoles rigides de l’Education Nationale, comme ce fut mon cas quand je débutais dans ce beau métier. Simplifier, c’est rénover tous nos services publics, qui croulent sous l’hypercentralisation. Simplifier, c’est ouvrir la porte à toutes les expérimentations, si vitales aujourd’hui pour trouver des solutions personnelles et collectives à la crise environnementale. Simplifier, c’est permettre à tous ceux qui ne suivent pas la route la plus droite de vivre autrement. Simplifier, c’est briser les rentes en donnant une chance à tous ceux qui ne maîtrisent pas les arcanes du système. Simplifier, c’est rompre le cercle vicieux de l’infantilisation et faire naître en chacun le sens de ses responsabilités. Simplifier, c’est toujours faire confiance. Confiance dans l’individu pour exercer son jugement, confiance dans le compromis pour résoudre les conflits, confiance dans l’intelligence collective pour trouver les bonnes réponses. Ainsi fleuriront une multitude d’initiatives individuelles et de projets communs dont on ne saurait anticiper les contours. Ainsi naîtra une société diverse, tolérante et inventive. * Ni droite ni gauche, ont dit ceux qui voulaient préserver le statu quo. Moi, je dis : et droite et gauche, car la vraie liberté trouve des défenseurs dans tous les camps. Souvent à gauche sur les questions de société, parfois à droite sur les questions économiques, toujours républicains pour défendre les libertés fondamentales. On nous présente aujourd’hui une alternative insatisfaisante : un centre techno ou des extrêmes radicaux. Je veux vous proposer une radicalité venue du centre. * La simplification requiert des transformations profondes, structurelles. On pourrait les appeler des « masses de granit », pour reprendre l’expression de Bonaparte, d’autant mieux choisie que nous nous trouvons ici en bordure d’un massif granitique... Première masse de granit : le droit français en un volume D’abord et avant tout, nous devons simplifier drastiquement notre environnement normatif, en réécrivant l’ensemble de notre droit. Il ne faut pas se demander quelles normes ôter, mais lesquelles conserver. Nous l’avons déjà fait, quelques années après la Révolution, quand le juriste Jean-Marie-Etienne Portalis réécrivit en langage intelligible le magma du droit féodal. Ce qui accoucha du code civil, monument de clarté. Je propose tout simplement de refaire ce travail sur l’ensemble de nos 75 codes, en les réduisant à une poignée de principes compréhensibles par tous. Deux années doivent suffire à réaliser ce travail. A son terme, nous aurons divisé le nombre de normes par cent et notre droit tiendra en un seul volume, qui sera distribué à tous les Français. Chacun pourra y trouver les règles du jeu de notre contrat social et les interpréter en fonction de sa situation. Tout ce qui ne sera pas interdit sera permis. C’est ainsi que la loi retrouvera sa majesté, l’Etat son crédit, la justice son sens, et les citoyens leur liberté. En parallèle, nous ouvrirons partout dans le pays des Maisons du Citoyen, où des fonctionnaires en chair et en os auront pour mission de conseiller leurs concitoyens et seront habilités à prendre des décisions. Je ne cherche pas à réduire les effectifs de la fonction publique, mais à les déployer sur le terrain, pour redonner au service public tout son sens : non pas le service de l’Etat, mais le service des gens. Cette révolution à coût zéro permettra de substituer les solutions concrètes aux plans abstraits, le bon sens aux règles rigides, l’équité réelle à l’égalité de pure forme. Deuxième masse de granit : l’autonomie locale Les identités locales, si longtemps dénigrées, sont au fondement de notre histoire commune. Les us et coutumes, les accents, les cuisines, restent aujourd’hui vivaces. Nous devons préserver ce trésor non comme un patrimoine derrière une vitrine, mais comme une culture bien vivante qui doit trouver sa propre expression politique. C’est en étant d’ici ou de là que l’on pourra être aussi de France, d’Europe et du monde. Or si le millefeuille territorial est si complexe, si frustrant, c’est que la décentralisation a été conçue depuis Paris. Le résultat, c’est un enchevêtrement d’échelons et d’interlocuteurs où tout le monde se perd : les électeurs se réfugient dans l’abstention ; les acteurs économiques et associatifs dépensent une énergie démesurée pour faire avancer le moindre projet. Quant aux collectivités, elles voient leurs marges de décision constamment réduites. Elles sont corsetées par des textes de plus en plus précis, et dépendantes de l’Etat pour obtenir leurs budgets, via des systèmes opaques de dotations et de subventions. Autrement dit, l’Etat reste maître du jeu, définissant en dernier ressort les politiques à mettre en œuvre et les moyens de les financer. Je ne propose pas une énième restructuration territoriale, mais plutôt de laisser la décentralisation se faire par le bas. Il ne s’agit pas d’ôter ou d’ajouter autoritairement tel ou tel échelon. Le contexte n’est évidemment pas le même en Île-de-France, dans les Hautes-Alpes ou en Corse. Les territoires doivent pouvoir se définir eux-mêmes et se regrouper comme bon leur semblent, selon leur situation. Cela vaut pour les intercommunalités comme pour les départements. L’Indre et le Cher pourraient par exemple vouloir reformer le Berry ; les Pyrénées Atlantiques, à l’inverse, pourraient décider de se scinder en Pays basque et Béarn. Les collectivités pourront alors se réapproprier un grand nombre de compétences en levant l’impôt correspondant. Qu’il s’agisse d’ouvrir une école ou de conserver un hôpital, elles doivent avoir le droit de choisir la proximité contre les soi-disant « économies d’échelle » qui vident nos territoires. En parallèle, pour que naisse une véritable démocratie de terrain, les référendums locaux deviendront une pratique courante. Plus d’autonomie réglementaire, démocratique et fiscale : ainsi les « pays » qui composent la France pourront-ils mieux s’épanouir, enrichissant la nation de leur diversité. Il est temps de garantir les libertés locales et d’en finir avec deux siècles de jacobinisme. L’Alsace-Moselle jouit depuis le lendemain de la première guerre mondiale d’un régime d’exception : qui cela dérange-t-il ? Les Alsaciens se sentent-ils moins français pour cela ? Pourquoi les autres régions ne pourraient-elles bénéficier de la même latitude ? Réjouissons-nous de la multiplicité des cultures sur le sol de France, et donnons-leur les moyens d’exister pleinement ! Troisième masse de granit : le revenu universel Simplifier permet de mieux protéger. C’est en particulier vrai dans la lutte contre la pauvreté. Il est juste qu’une société prospère assure le minimum vital à tous ses membres. Mais depuis trop longtemps, la bureaucratie sociale enferme les plus démunis dans le piège de l’assistanat et, souvent, dans la honte de la stigmatisation. Voilà pourquoi je propose d’automatiser les minima sociaux à travers un revenu universel, c’est-à-dire une somme d’argent couvrant les besoins de base allouée à chaque citoyen majeur, dès 18 ans et pour la vie. En se voyant garantir un droit à la subsistance, chacun pourra se projeter dans l’avenir, expérimenter des activités variées, et négocier une juste rémunération. Les exemples étrangers nous confirment ce dont une confiance élémentaire dans la nature humaine devrait suffire à nous convaincre : le revenu universel favorise l’activité et non l’oisiveté. Ainsi chacun disposera d’une dose de liberté réelle. Le revenu universel sera un vecteur d’émancipation pour les femmes qui voudraient quitter leur foyer, les employés qui voudraient quitter leur entreprise, les jeunes qui voudraient quitter leur communauté. Ce sera un outil d’épanouissement pour les étudiants menacés par la précarité, pour les actifs qui souhaitent se reconvertir, pour les bénévoles qui veulent s’investir dans leur action. Définir prudemment le financement de ce revenu universel est essentiel. Car si chacun reçoit, chacun doit contribuer. Le revenu universel prendra donc la forme d’un crédit d’impôt unique, adossé à un impôt proportionnel au premier euro. La simplification du système social entraînera du même coup celle de la fiscalité. Terminés, les gens sur le bord de la route qui n’ont pas accès à leurs droits ; terminées aussi, les niches fiscales qui permettent aux plus malins d’éviter l’impôt. Ce dispositif ne bouleversera pas les équilibres économiques du pays. Mais en devenant lisible et prévisible, il donnera enfin à tous un vrai filet de sécurité. Ce sera notre socle citoyen. La grande pauvreté est une tache sur notre civilisation. Nous pouvons l’éliminer demain. Qu’attendons-nous ? Quatrième masse de granit : la maîtrise de son destin numérique La complexité, nous la vivons aussi au quotidien sur nos écrans. Les mille sollicitations qui nous assaillent à tout instant nous livrent à des techniques de manipulation sans précédent et menacent notre libre-arbitre. En notre siècle, on n’est pas maître de soi si on ne contrôle pas ses données personnelles. Je propose simplement d’appliquer au « nouveau monde » les bonnes vieilles règles de l’Etat de droit. Ni plus, ni moins. Nos informations les plus intimes sont aspirées toute la journée sans notre consentement. Nos ordinateurs, nos téléphones, nos voitures, bientôt nos maisons sont ouverts à tous les vents. Nous nous trouvons vis-à-vis des plateformes numériques dans une relation féodale, livrant toutes nos données en échange de services soi-disant « gratuits », mais qui en fait nous confisquent la valeur que nous produisons et espionnent nos moindres mouvements, nos moindres pensées. Pour en finir avec cette spoliation et permettre à chacun de maîtriser son existence virtuelle, je propose d’instaurer un véritable droit de propriété sur les données personnelles. Mes données m’appartiennent. Il est temps d’envoyer la facture aux GAFA. Il faut aussi que chacun puisse être tenu responsable de ses actes. La justice doit donc avoir accès à l’identité des utilisateurs des plateformes. Je ne réclame pas la fin de l’anonymat, mais la fin de l’impunité. Ce n’est pas aux plateformes de faire leur propre loi, mais au juge d’intervenir et de sanctionner au besoin. Enfin, nous devons reconnaître l’ampleur de l’addiction créée par les plateformes. Il est établi que les réseaux sociaux agissent sur le cerveau à la manière d’une drogue. C’est la raison pour laquelle j’ai personnellement choisi de les quitter. Je n’oblige personne à faire de même. Mais le devoir de la société est d’en protéger nos enfants pour leur permettre de développer au mieux leurs capacités cognitives. Or aujourd’hui, tiktok et Insta, c’est de la drogue distribuée gratos à la sortie des classes. Comment pouvons-nous le tolérer ? Je propose donc d’interdire les réseaux sociaux aux moins de seize ans. Défendre la liberté, c’est aussi veiller à former des esprits éclairés. Cinquième masse de granit, le droit du vivant Pour préserver le vivant, nous devons également élaborer des règles simples. La protection due aux individus ne doit pas s’arrêter aux humains. Il est temps de respecter les écosystèmes et de cesser de les ensevelir sous la force brute du béton. L’humanité n’est pas propriétaire de la planète. Il est également temps de reconnaître pleinement les animaux comme des êtres sensibles et de garantir leurs droits. Dans un siècle, notre cruauté à leur égard nous paraîtra incompréhensible. Protéger l’environnement, c’est bien. Accorder des droits au vivant, c’est mieux. La contrainte juridique est préférable à la planification politique. Il ne s’agit pas de sacraliser la nature sauvage, ni de s’opposer à la domestication, mais simplement de respecter les équilibres élaborés par des millions d’années d’évolution et d’épargner aux animaux les souffrances inutiles. Ce qui semblait une évidence à nos ancêtres paysans. Pour commencer, nous devrons renoncer à l’élevage trop intensif et à ses pratiques d’enfermement, d’entassement et de mutilation. Les éleveurs qui prennent soin de leurs bêtes sont aujourd’hui soumis à la concurrence déloyale des industriels de la vie. Il faut mettre fin à ces méthodes d’un autre âge, en travaillant avec la profession et en prévoyant des mécanismes de transition. Ce sera un progrès pour les bêtes, pour l’environnement, et pour notre santé. * Ces mesures n’ont pas été concoctées sur un coin de table. Elles sont le fruit d’une dizaine d’années de voyages, de débats et d’études – notamment dans le cadre du cercle de réflexion GenerationLibre, que j’ai fondé. La liste n’est bien sûr pas exhaustive. Je rêverais de vous proposer mille autres réformes inspirées par les mêmes principes, depuis la légalisation du cannabis jusqu’aux prisons ouvertes en passant par la fiscalité carbone. J’aurai sans doute l’occasion de le faire. Mais je voudrais préciser un point de méthode. Je ne crois pas aux utopies, je ne crois pas au grand soir. Je me méfie de ceux qui voudraient changer la société de la cave au grenier, et qui finissent par un modeste coup de balai dans les coins. Je veux d’abord me concentrer sur des transformations sérieuses et substantielles, source de toutes les autres. Ces transformations ont un objectif commun : décentraliser le pouvoir. L’ôter aux technocrates et aux plateformes, pour le rendre au plus petit échelon : l’individu, le citoyen, l’internaute, la commune. Car oui, nous sommes capables de prendre les meilleures décisions pour nous-mêmes. * Dans bien des aspects de notre vie, nous aspirons aujourd’hui à la simplicité. Pour réhumaniser le travail, tout d’abord. La droite propose éternellement de travailler plus pour gagner plus. La gauche rêve éternellement de gagner plus en travaillant moins. Ni l’une ni l’autre ne comprennent la révolution en cours : travailler mieux pour vivre mieux. Les bullshit jobs sont le mal d’une société bureaucratisée, où la responsabilité individuelle est annihilée par les process, où l’agent est transformé en robot. Or au sein des entreprises comme de l’Etat, les meilleures décisions sont souvent prises par l’acteur le plus proche du terrain, capable d’innover et d’expérimenter, à condition de lui en laisser la chance. La première responsabilité sociale des entreprises, c’est donc de donner davantage d’autonomie à leurs salariés, en dépassant la définition archaïque du lien de subordination. En parallèle, la société se doit de mieux organiser la protection du travailleur indépendant. Un jour, dans un monde du travail libéré, ces deux catégories, salarié et indépendant, se confondront. La simplicité, c’est aussi une manière de vivre. Une forme de dépouillement, à rebours de la surconsommation du siècle passé. Un rapport plus direct à autrui. Une volonté de faire moins plutôt que plus. Une envie de se rapprocher des équilibres naturels. Est-ce un hasard si Alexis de Tocqueville, le premier pourfendeur de la « tutelle administrative » française, était aussi le plus grand admirateur des forêts primaires et de leurs canopées fleuries ? La vie simple, c’est l’avenir. Un avenir dont la jeunesse est aujourd’hui privée par une génération qui a capturé l’Etat-Providence à son avantage. * Cet avenir a aussi un passé. Ma France, c’est celle de 1789. Celle qui a accouché du plus beau texte de philosophie politique : la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Dix-sept articles clairs, concis, et plus actuels que jamais. Avec une obsession : la liberté. Pas la liberté capricieuse du bon vouloir, mais une liberté socialement organisée de citoyens responsables. Que nous diraient aujourd’hui nos pères fondateurs ? Qu’il nous faut rétablir les contre-pouvoirs malmenés par dix ans d’états d’urgence successifs ; réaffirmer les libertés fondamentales que nous avons trop tendance à abandonner à la moindre menace, sécuritaire ou sanitaire ; reconstruire l’Etat de droit pour brider la loi quand elle devient trop tâtillonne, et pour l’appliquer là où on ne la respecte plus. C’est seulement après avoir balayé devant notre porte que notre voix pourra porter dans un monde tourmenté. Car les valeurs universelles héritées de 1789 fournissent une alternative crédible au néolibéralisme comme à l’autoritarisme, à l’hyper capitalisme globalisé comme à la société de surveillance asiatique. Une France en harmonie avec sa devise pourra plaider, au sein de nos belles institutions européennes, pour une Europe de la diversité, une Europe-mosaïque fondée sur les échanges, et non une Europe-Moloch gérée comme un Empire. Une France décomplexée, fière de son passé révolutionnaire, pourra se faire à nouveau la championne du multilatéralisme et renouveler des organisations internationales aujourd’hui à la dérive. Un monde sans la France est un monde dangereux. Certains fantasment une identité perdue. Mais nous l’avons, notre identité ; nous l’avons, notre boussole. La France a défini il y a deux siècles d’excellents principes de vie en commun. Soyons-leur fidèles. Il est temps de prendre la liberté au sérieux. Et comme personne n’y semble disposé parmi les candidats à l’élection présidentielle, j’ai décidé de m’y présenter moi-même. Il serait bien plus confortable de rester dans la tour d’ivoire du débat intellectuel. Mais la démocratie meurt si on ne l’utilise pas. Quand on prétend défendre des idées, n’est-il pas naturel de les mettre aux voix ? Il est vrai que l’élection d’un Président au suffrage universel, ce plébiscite par défaut, cette rencontre toujours ratée entre un homme et un peuple, ne porte guère en elle les germes de la liberté. Elle reflète plutôt tous les vices de notre système : une personnalisation extrême du pouvoir, au détriment des projets de fond. Résultat, la France vit tous les cinq ans son moment d’hystérie partisane, avant de retomber dans l’inertie technocratique. N’en avons-nous pas assez de croire au messie, et d’être toujours déçus ? Je ne vous propose donc pas un Président omniscient, encore moins omnipotent, se mêlant constamment de tout, chef des pompiers sur le parvis des cathédrales en feu ou professeur de médecine face au virus. Je vous propose un Président tout en retenue, affirmant sans fléchir des grandes orientations pour la nation mais respectant les opinions de tous. Pour les affaires courantes, le gouvernement gouvernera. Et le Parlement, cessant de légiférer en permanence, retrouvera son rôle premier : le contrôle du pouvoir exécutif. Je ne me prends pas pour un sauveur. Je ne guéris pas les écrouelles. Je n’ai pas réponse à tout. Mais je vous promets de mettre en place un cadre dans lequel vous pourrez trouver vos propres réponses. La campagne qui débute aujourd’hui sera fidèle à nos principes. Une communication sobre, car les grandes ambitions n’ont pas besoin de petites phrases. Une utilisation minimale des réseaux sociaux. Un budget restreint, reposant uniquement sur les dons de nos sympathisants, sans recours à l’endettement. Si seulement la France était gérée ainsi ! * Chers amis, C’est donc ici, à Montilly-sur-Noireau, que commence notre combat pour la liberté. Ce n’est pas un hasard. Pour organiser depuis plusieurs siècles une des plus grandes foires de Normandie, juste derrière ces collines, Montilly connaît les bienfaits de la liberté du commerce. Pour avoir abrité durant la guerre une planque de résistants là-haut, de l’autre côté de la route, Montilly connaît les risques de la liberté politique. Pour avoir accueilli des pionniers de l’agriculture biologique, dans les champs tout autour d’ici, il y a déjà une quarantaine d’années, Montilly connaît les vertus de l’expérimentation. Et bien sûr, pour moi, Montilly représente le retour à mes racines normandes. L’histoire de ma famille pourrait illustrer les évolutions de notre pays. Mes ancêtres alsaciens, qui m’ont légué leur nom, ont fait partie de la vague d’émigration de 1870 ; il leur a fallu plusieurs générations pour trouver leur place en Normandie : preuve que l’intégration demande du temps et des efforts mutuels. Mon grand-père travaillait dans une coopérative agricole de l’Eure : c’était la bourgeoisie traditionnelle des grands bourgs, friande de chasse, de messe et de calva. Mes parents baby boomers sont montés à la capitale en mai 68, ont tourné le dos à leur éducation et se sont laissés porter par le vent de la contre-culture. Et moi, enfant de la révolte, j’ai longuement cherché ma liberté avant de la trouver sur les chemins de mon pays ; de villages en banlieues, de granges en arrière-cuisines, j’ai aimé sans réserve cette terre tragique et bénie, ce peuple généreux et imprévisible, cette culture profonde et variée. C’est ici, entre l’Orne et le Calvados, que je me suis entraîné avant de partir à cheval à travers la France. C’est naturellement ici qu’à mon retour je suis venu m’installer. J’avoue, j’ai troqué la Haute Normandie pour la Basse. Mais j’y ai découvert un pays si chaleureux, je m’y suis fait des amitiés si solides, que je m’y sens déjà implanté. Chacun n’a-t-il pas besoin de se trouver un lieu, une communauté, un destin partagé ? *
Chers amis, mes chers concitoyens, La liberté est une chose trop sérieuse pour être abandonnée à des politiciens professionnels. Je vous propose de passer ensemble 5 ans à simplifier, 5 ans pour redonner confiance, 5 ans pour vivre et laisser vivre.
Vive la France, vive la démocratie, vive la liberté !
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