Appel à l'amour
Vingt-huitième
méditation
Voilà
pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas pour votre vie [...] Regardez les
oiseaux du ciel [...] Observez les lis des champs [...] Mt
6,25
Nous
éprouvons tous, à certains moments, un sentiment que l'on appelle l'insécurité.
Sans doute l'éprouvons-nous quand nous constatons qu'il ne nous reste que peu
d'argent en banque, ou quand nous nous demandons si un ami nous aime vraiment
ou si nous avons fait des études assez longues pour obtenir un emploi qui nous
plaise. Peut-être ressentons-nous ce sentiment lorsque nous pensons à notre
santé, à notre âge ou à notre aspect physique. Si on vous demandait : « Qu'est-ce qui vous donne ce sentiment
d'insécurité ? » vous répondriez sans doute à la question de manière
inadéquate. Vous diriez : « Mon ami ne
m'aime pas autant que je le voudrais », ou « Je n'ai pas l'instruction nécessaire pour obtenir ce travail »,
ou quelque chose de ce genre. Autrement dit, vous invoqueriez des circonstances
extérieures à vous-même, sans vous rendre compte que vos sentiments
d'insécurité sont engendrés, en fait, par la programmation de vos émotions, par
des choses que vous vous faites croire à vous-même. Si vous changiez votre
programmation, vos sentiments d'insécurité disparaîtraient en moins de temps
qu'il n'en faut pour le dire, même si tout ce qui fait partie du monde
extérieur reste exactement pareil. Une personne peut se sentir très sûre d'elle
avec très peu d'argent en banque, alors qu'un multimillionnaire peut être
rempli d'angoisse. L'un n'a pas d'amis, et pourtant il ne ressent aucun
sentiment d'insécurité dans le domaine de l'amour ; un autre se sent terriblement
angoissé dans une relation marquée par la possessivité et l'exclusivité. Là
encore, la différence se situe au niveau de la programmation.
Si
vous voulez venir à bout de vos sentiments d'insécurité, il vous faut d'abord
étudier et comprendre les quatre principes suivants. Premièrement, il est tout
à fait inutile de soulager vos sentiments d'insécurité en essayant de changer
quoi que ce soit en dehors de vous. Vos efforts peuvent porter fruit, mais dans
la plupart des cas ils n'aboutiront à rien. Sans doute vous apporteront-ils quelque
soulagement, mais ce soulagement ne sera que temporaire. Il est donc inutile de
dépenser autant de temps et d'énergie à essayer d'améliorer votre apparence
physique ou à gagner de l'argent ou à essayer d'obtenir l'assurance que vos
amis vous aiment.
Deuxièmement,
il faut que vous vous attaquiez au problème là où il se trouve, c'est-à-dire à
l'intérieur de votre tête. Songez à ceux qui, se trouvant dans la même position
que vous, n'éprouvent pas le moindre sentiment d'insécurité. De telles
personnes existent. Le problème n'a donc rien à voir avec la réalité extérieure,
il se situe en vous, dans votre programmation.
Troisièmement,
vous devez comprendre que cette programmation vous a été transmise par des
personnes angoissées qui vous ont appris, lorsque vous étiez très jeune et
impressionnable, par le biais de leur comportement et de leurs réactions de
panique, que vous deviez créer en vous-même une agitation, un sentiment d'insécurité
chaque fois que le monde extérieur ne se conformait pas à certains modèles. Et
que vous deviez faire tout ce qui est en votre pouvoir pour réaménager le monde
extérieur, soit gagner plus d'argent, obtenir de meilleures garanties, apaiser
et plaire à ceux que vous avez offensé, etc... ; tout cela afin d'anéantir vos
sentiments d'insécurité. Le simple fait de réaliser que vous n'avez pas à agir
de cette façon, que de vous comporter ainsi ne résout absolument rien et que
votre culture et vous-même sont à la source de votre agitation ou de votre
inquiétude vous permettra de prendre une distance par rapport au problème et
vous apportera un soulagement considérable.
Quatrièmement,
quand vous éprouvez un sentiment d'insécurité par rapport à l'avenir,
souvenez-vous bien de ceci : au cours des six derniers mois ou de l'année qui
vient de s'écouler, vous avez été en proie à des sentiments d'insécurité à la
perspective de certains événements, pour finalement vous montrer à la hauteur
lorsque ces événements ont surgi. Cette force provient de l'énergie et des
ressources que ce moment précis vous a apportées, non des inquiétudes qui vous
ont miné pour rien et affaibli émotionnellement. Alors dites-vous ceci : « Si
je peux faire quoi que ce soit qui puisse avoir une influence sur mon avenir,
je le ferai. Ensuite je n'y penserai plus, je profiterai du moment présent, car
toute l'expérience que j'ai acquise jusqu'à aujourd'hui me prouve que je ne
peux affronter une difficulté que lorsqu'elle se présente, pas avant. Et que le
moment présent apporte toujours les ressources et l'énergie nécessaires pour
résoudre un problème.»
Vos
sentiments d'insécurité ne disparaîtront pour de bon que lorsque vous aurez
acquis cette heureuse capacité qu'ont les oiseaux du ciel et les fleurs des
champs de vivre dans le présent. L'instant présent, si douloureux soit-il,
n'est jamais insupportable. Ce qui est insupportable, c'est d'imaginer ce qui
va se produire dans les cinq minutes ou dans les cinq jours, ainsi que ces
paroles que vous ne cessez de répéter, du style : « C'est terrible, c'est insupportable, combien de temps cela va-t-il
durer ? » et ainsi de suite. Les oiseaux et les fleurs sont bénis, car ils
n'ont aucune notion de l'avenir ; il n'y a aucun discours dans leur tête ; ils
ne s'inquiètent pas de ce que leurs semblables pensent d'eux. C'est pour cela
qu'ils sont des images si parfaites du Royaume. Ne vous inquiétez pas pour
demain, les choses s'arrangeront d'elles-mêmes. Chaque jour apporte avec lui
son lot de problèmes. Fixez, avant tout, votre esprit sur le Royaume de Dieu,
et tout le reste viendra à vous.
Pages
155 à 159 Anthony De Mello – « Appel
à l’amour » - Méditations sur le chemin du bonheur – Espaces Libres –
Albin Michel – ISBN 978-2-226-15901-4
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